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Barcelone, 23h38… Réflexion sur les 3 stades du bleisure!

23h38. Mardi soir. Barcelone. 8ème étage de l’hôtel Barcelo Raval. Vue panoramique sur le mirador du téléférique de Montjuic et du château, sur le monastère de Sant Pau del Camp, sur le palais Guel. Une maginfique vue nocturne sur la ville qui s’endort doucement. Quelques barcelonais déambulent à la recherche d’un bar, quelques touristes les suivent en quête d’authenticité et de la fameuse ambiance espagnole. Spotify se révèle un excellent camarade pour terminer la soirée et commencer la nuit. En mode « Deep Focus ».

Tranquillement lové dans les coussins de mon lit qui pour l’occasion, se transforme ce soir en tour d’observation paisible. Je suis bien. Je savoure. Je savoure ces moments uniques que sont les déplacements professionnels. Certes, il y a un ou des objectifs professionnels à atteindre, mais soyons honnêtes. Ce sont surtout des moments égoïstes et privilégiés en dehors de son quotidien. Un quotidien fait de répétitions, de grisailles, de réunions, de tensions, de stress, de rythmes effrénés, mais aussi de joies simples, d’amour, d’amitiés et de petits bonheurs qui ponctuent la partition de la vie. En résumé, des croches blanches et des croches noires comme disait mon professeur de musique au collège. Quelles soient simples, doubles ou triples, rondes ou pointées, toutes ces notes organisent notre quotidien.

Les voyages d’affaires sont les pauses musicales de la vie. Elles viennent s’intercaler dans une partition rythmée et déjà écrite. Par vous, par d’autres, par eux. Vous ne faites que suivre la musique. La jouer comme « ils » le voudraient. Cela ne sonne pas toujours juste, mais vous faites de votre mieux. Les sifflets suivent les applaudissements. Vous passez de trois rappels sur scène à un rideau trop vite baissé pour vous éviter le désastre. Le voyage d’affaires vous sort de cette partition. Ils vous transportent dans un monde presque imaginaire. Les fils qui vous relient à votre marionnette s’allongent. Certains résistent. Ils sont professionnels. Vous devez accomplir votre mission. Rendre des comptes. Présenter un débrief et surtout, un « retour sur investissement ». La pire expression jamais créée… « Retour sur investissement »… une expression sans âme pour désigner les attentes des acteurs de vote quotidien vis-à-vis de vous. C’est en quelque sorte l’attente du refrain de la partition. Un moment tout en emphase, en envolée lyrique, marqué les timbales et autres instruments à percussion. Mais voilà, le refrain n’est pas toujours ainsi. Il peut aussi être lent et lancinant, trainant. Et le fameux « ROI » tombe à l’eau. Bref…

Le voyage d’affaires, c’est une bulle d’air. Celle qui s’envole, que vous ne pouvez rattraper, qui navigue entre les obstacles, qui évolue librement jusqu’à ce qu’elle éclate. Pourquoi, parce que votre environnement se rappelle à vous. Mais cela n’est pas négatif. Il faut une certaine maturité d’esprit pour intégrer qu’un quotidien routinier peut tout autant être une source de joie [immense], d’épanouissement et de bonheur. Vous savez tous ces petits moments que vous attendez et qui vous réchauffent le cœur. Celui de retrouver ses proches le soir en passant la porte, de voir leur sourire, celui de partager un dîner qui vous apportent chaleur et réconfort, celui d’être ensemble tout simplement, celui de vous retrouver chez vous et de souffler… Ce souffle libérateur qui marque l’entrée dans un autre monde. Celui qui vous apporte calme et apaisement. Bref…

Le voyage d’affaires, c’est réveiller en vous la vie. Il rappelle que vous existez, certes pour beaucoup de monde autour de vous, mais aussi pour vous et rien que pour vous. C’est découvrir de quoi vous êtes capable, qui vous êtes. Il y a deux voyageurs d’affaires. Le premier, qui n’attend qu’une chose, le temps du retour et qui gâche la liberté dont il dispose en ramenant l’enclume de son quotidien avec lui dans sa chambre d’hôtel.

Vous le savez, le quotidien est fait de deux sortes de poids, les enclumes et les plumes. Le quotidien est la seule discipline ou les scientifiques n’ont pas su expliquer pourquoi le poids des plumes pouvait contrebalancer celui des enclumes. C’est sans compter sur la volonté. La volonté de conférer à ces appendices tégumentaires une charge improbable et imbattable : en bref, voir le bonheur où il se trouve. Certains se parent de fausses « lunettes » pour tenter d’y voir clair. En vain. Le temps et la clairvoyance sont les deux seules armes en la matière.

Le second type de voyageurs d’affaires, c’est celui qui s’ouvre et profite de chaque instant pour se dire qu’il en aura profité. C’est celui qui dès qu’il a une trente minutes, une heure, une demi-journée, il met un point d’honneur à visiter, découvrir et s’émerveiller devant ce qu’il ne connait pas. C’est le stade 1 du voyageur bleisure. Le stade 2, je viens de l’atteindre ce soir. C’est celui qui consiste à se laisser aller au gré de son instinct. C’est ranger son portable dans sa poche, ne surtout pas s’afficher avec une carte à la main, c’est déconnecter sa raison et ses repères. C’est faire preuve du fameux « on verra bien ». Pour cela, faut être joueur. Il faut accepter l’idée de se planter et de simplement perdre son temps car vagabonder, cela peut aussi ne mener à rien, voire, se retrouver dans des lieux peu recommandés. Bref, ce stade 2 s’accompagne de la chance. Un de mes anciens employeurs quelque peu connu avait déclaré un jour « la baraka fait partie de la bonne gestion ». En clair, la chance appartient à ceux qui la provoquent. C’est un peu cela que j’ai fait ce soir. Après un rendez-vous des plus importants, je me suis laissé « aller » dans les rues de Barcelone. Ceux qui me connaissent pourront témoigner de mon sens de l’orientation qui est en passe de devenir légendaire. Aussi, se perdre, c’est une seconde nature chez moi. Autant dire que ce stade 2, je vais le maitriser à la perfection.

J’ai donc déambulé sans aucun repère. Cette ballade de 7km m’a amené au cœur de la vraie vie. Alors oui, ce terme est quelque peu galvaudé. Mais le résultat était bien celui-ci : marcher au milieu de ceux qui rentre chez eux après leur journée de travail bien longue puisqu’il était 21h, de ceux qui vont au restaurant entre amis, de ceux qui ne font que passer rapidement car pressés de retrouver leur bulle de bonheur. C’est aussi croiser de nombreux groupes de jeunes qui pour certains partagent leurs exploits en skate, pour d’autres qui jouent au foot dans les nombreux terrains urbains de la ville, de ceux qui rigolent, qui crient, qui dansent. Oui, qui dansent dans les ruelles escarpées de la ville. C’est aussi se faire accoster par les vendeurs de rêves et de plaisirs en tout genre. Bref, c’est partager le territoire urbain avec les autochtones. Ne voyez aucune approche péjorative dans l’utilisation que je fais de ce terme. Simplement le souhait de traduire une réalité qui m’a envoûté. La fin de cette marche libre m’a mené devant un bar, le Travel bar. Je ne suis pas un fan de la destinée, mais pour le coup, je ne pouvais pas faire autrement qu’y pénétrer.

Véritable lieu de rencontre des voyageurs, c’est d’ailleurs promis dès la devanture, « traveller’s meeting point », vous pouvez y croiser de nombreuses nationalités. Jeunes et moins jeunes sans dépasser pour autant la quarantaine dont je m’approche dangereusement. C’est un bar comme il y en a tant à Barcelone, simple, chaleureux, festif, musique pop à fond et tapas à profusion. C’était aussi une occasion unique de mettre en pratique mes cinq mois d’apprentissage de l’espagnol. Pour le coup, mon débit si rapide en français, à la limite de l’incompréhension par certains moments, je le concède, est lent, trop lent. 2 fois sur 3, je termine mes phrases en anglais. Mais qu’importe, je suis dans le Travel Bar après tout. Toutes les langues sont admises. J’ai passé plus d’une heure à m’associer à l’ambiance. La partager serait un mensonge. C’est d’ailleurs le 3ème stade du bleisure. Prendre part à la vie locale et ne plus la contempler. Osez prendre place à côté des groupes déjà formés et s’immiscer. Prendre le risque de se faire jeter, mais aussi celui de se faire accepter. J’imagine qu’il doit s’agir d’une expérience incroyable. Bientôt peut être. Bref…

« Bref… ». Un mot et trois points. De vrais « objets » fétiches pour moi. L’essentiel s’y trouve. Bref… j’ai le sentiment d’avoir vécu une excellente journée. J’ai le sentiment d’en avoir profité totalement malgré les contraintes imposées. Il est 1h45 et je couche heureux face à ce magnifique panorama. Cette vision en hauteur est parfaite pour s’endormir. Elle permet de me rendre compte combien j’ai de la chance d’avoir vécu ces moments. Ils ont été simples, mais mémorables.

Merci à ceux qui auront eu le courage de lire mes divagations nocturnes jusqu’à leur fin. Bonne nuit… Ou, bonjour ! Bref…

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